vendredi 25 janvier 2008

Vendredis du vin 10, le vin au visuel

Vendredis du vin 10, le vin au visuel

Iris, de son vignoble du Languedoc, nous convoque à choisir un vin avec nos yeux pour cette 10e édition des Vendredi du vin. C'est l'étiquette qui doit guider notre choix, que ce soit par son originalité, son humour ou sa beauté, c'est elle qui mène le bal. Difficile de se fixer vu le foisonnement d'étiquettes de toutes sortes ces dernières années, vu l'embarras du choix.

J'avais d'abord pensé vous parler d'un vin dont l'étiquette joue sur l'humour et le jeu de mot. La voici :

Il s'agit du 2004 Marilyn Merlot, Napa Valley. Voici la dernière étiquette de ce vin qui en est à son 20e millésime. Pour voir des étiquettes des millésimes précédents, cliquez ici. Il semble un peu léger ce vin, mais il est bien nommé, jeu de mot mis à part, car le Merlot est connu pour son apport charnu à l'assemblage bordelais, et parce que sa réputation, dans l'ensemble, manque de sérieux, c'est le parent pauvre des cépages nobles, le sot de la famille, qui, bien que charnu, n'a pas de substance. En fait, ce Merlot américain est un vin sérieux, si on en juge par son prix, £21.00 (29.99 EUR) chez le caviste londonien Philglas & Swigott. Et c'est justement à cause de son prix, trop élevé pour mon maigre budget d'après Noël, (et peut-être aussi à cause d'un certain préjugé contre les Merlots du Nouveau Monde et contre le Merlot vin de cépage) que je me concentrerai sur un autre vin américain.

J'ai déjà parlé cet été d'un des vins de Randall Graham, du domaine Bonny Doon. Vous verrez en cliquant ici que l'étiquette du Pacific Rim Riesling dont j'avais fait la revue est loin d'être banale: une nymphe sortant d'une coquille, et on voit, en regardant la nymphe, les contre-étiquettes, des découpes d'éléments classiques de la cuisine asiatique tels que l'anis étoilé, le gingembre, la citronnelle et le piment. Une étiquette on ne peut plus efficace, qui attire les curieux et les renseigne illico sur le meilleur accord culinaire possible.

Pour ce VdV, j'ai choisi une autre bouteille de Bonny Doon. Cette étiquette est plus artistique mais tout aussi surprenante et originale. On y voit une prison éclairée par la lumière puissante d'une des tours de surveillance. Le lien? Big House veut dire prison en slang américain. Le Big House Red 2004, Ca' del Solo, Californie est un assemblage de Carignan, Petite Sirah, Sangiovese, Zinfandel, Barbera, Syrah, Malbec, Montepulciano, Grenache, Tannat, Touriga nacional et de 5 % d'autres cépages. C'est pour dire que les prisons sont pleines! Sans conteste, on fait face à un assemblage tout aussi unique et original que l'est l'étiquette, en tout point le reflet de Randall Graham, propriétaire du domaine. Randall, en quête du 'Great American Pinot Noir' en 1979, s'est aperçu que les cépages du Rhône étaient plus prometteurs que le Pinot Noir sur le sol californien. Depuis, on le surnomme le 'Rhône Ranger' (autre jeu de mot, get it?), mais il se surnomme lui-même 'Rhône Deranger' ce qui ne surprend pas quand on songe que la découverte est au coeur de l'évolution de ce domaine. Prenez le temps d'admirer les étiquettes de Bonny Doon que plusieurs artistes ont réalisé (entrez dans le 'Dooniverse' et cliquez sur 'Learn our ways', ça se trouve au bas).

Avec un vin pareil, on ne sait pas à quoi s'attendre. La seule chose que nous apprend l'assemblage, c'est que la majorité des cépages sont du sud et que le vin aura probablement le profil méridional. Y'a le nom, Big House Red, qui nous donne des indices: je n'aurai pas affaire à un poids plume dont les caractéristiques principales seront la finesse et l'élégance. Allons-y donc pour voir. D'un rubis assez profond, le vin est dominé par des arômes de petits fruits rouges foncés, d'herbes, de mine de plomb et d'un peu d'eucalyptus. En bouche, on est d'abord frappé par une forte acidité, suivi par un beau fruit rouge bien juteux et des notes boisées bien intégrées. C'est un vin puissant mais pas lourd, plein de vie, de charme, très facile à boire donc vraiment Nouveau Monde, mais sa fraîcheur et sa minéralité lui garantissent une place à table.

Faut dire que c'est l'étiquette du Carignane 2004 Vieilles Vignes de Bonny Doon qui m'a poussée à faire la revue de ce vin. On y voit un petit américain avec son bâton de baseball qui regarde son modèle, l'Europe, soit des joueurs de foot, tous adultes avec du poil aux jambes. J'aime ce type de dessins dont le sujet n'a pas un lien immédiat avec le vin. Les deux dessins sont de Chuck House, un créateur réputé d'étiquettes et auteur de Icon, un livre portant sur les étiquettes.

Et bien, Iris, tu m'auras bien inspirée avec ton thème. Et vous, si vous aviez à créer une étiquette, qu'est que vous dessineriez?

jeudi 17 janvier 2008

Au pays du Pinot Noir, es ist ja ganz toll!

Bonjour à vous tous, ciné-oenophiles, savez-vous tous à quel pays je me réfère dans mon titre? S'agit-il des USA, qui ont mis le Pinot Noir sur la carte avec la 'road movie' Sideways ? S'agit-il du pays d'origine du dit cépage, la France, et plus précisément la Bourgogne, qui a envahi Londres la semaine dernière avec son millésime 2006 (avec une bonne quinzaine de dégustations en cinq jours!)? Ou encore, serait-ce la Nouvelle-Zélande, chef de proue du Nouveau Monde pour ce cépage difficile?

Ah! Vous attendez en vain, car je sais que vous savez que je vous attire sur des fausses pistes. Je veux vous parlez aujourd'hui de l'Allemagne, où il pousse, vraiment, beaucoup de Pinot Noir. Lundi dernier, à la dégustation annuelle du marchant de vins allemands Wine Barn, j'ai été étonnée du nombre de Pinot Noir trônant sur les tables. Ma dernière participation à cette dégustation remonte à deux ans, quand nous avions eu le bonheur de déguster le millésime 2003, qui avait donné des Pinots riches et concentrés comme je ne croyais pas capable l'Allemagne d'en produire. Si je me souviens bien, il n'y avait alors qu'une table dédiée au Pinot Noir, Meyer-Näkel de la vallée de l'Ahr.

Cette année, j'ai dégusté d'excellents Pinots provenant de l'Ahr, de Baden et de Pfalz. Il y avait également bon nombre de Pinots de la région de Baden, mais ils n'ont pas touché mes lèvres, désolée. Trois régions différentes, trois domaines différents et trois styles bien différents aussi. L'Ahr, toujours représentée par la maison Meyer-Näkel, a produit en 2006 des Pinots qui regorgent de beaux fruits rouges juteux, purs et joyeux, des vins amicaux on ne peut plus agréables. Dotés d'une acidité respectable, il sont aussi faciles à boire seuls, en apéro, qu'à table. Les Meyer-Näkel cultivent aussi du Pinot Madelaine, une mutation de notre Pinot caméléon qui change de peau comme bon lui semble. Contrairement au Pinot Noir qui mûrit tard, la Madelaine mûrit tôt, ce qui lui vaut le nom de Frühburgunder en allemand. Ce cépage qui produit moins que le Pinot Noir et qui se récolte tôt, souvent quand il pleut, a perdu la faveur des producteurs. Comme son grand frère, il produit un vin aux arômes prononcés de petits fruits rouges qui est indéniablement et malheureusement moins élégant.

À la table à côté se trouvait August Kesseler, du domaine du même nom, situé dans le Rheingau. Ses pinots sont riches, puissants et très souples et font penser à certains Pinots du Nouveau Monde, intensité de couleur en moins. Ses vins sont issus de vignes vieilles de 50 et 100 ans, fait qui appuie fortement l'Allemagne à joindre les rangs des grands producteurs de Pinots: ça ne date pas d'hier et on sait y faire.

Pour terminer, les Pinots d'un des producteurs les plus réputés d'Allemagne, Friedrich Becker, de la région de Pfalz. Bien que ses vignobles soient les plus au sud des trois producteurs décrits dans ce texte, les vins de M. Becker nous porteraient à croire qu'ils sont plutôt du Nord: ils sont plus structurés et moins évidents et se rapprochent le plus de bons exemples de la Bourgogne. Et ce n'est pas étonnant, une partie de son vignoble est situé en France (mais en Alsace). La grande dame du vin britannique, Jancis Robinson , recommande son simple Spätburgunder à tous les étudiants recherchant un exemple parfait du cépage pour se forger une définition. C'est pas peu dire.

Es war eine schöne Abend. On attend la suite avec un mélange de curiosité, d'optimisme et d'impatience.